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Charles Cordier : l'Autre et l'Ailleurs


Charles Cordier, né le 1er novembre 1827 à Cambrai est un sculpteur français dont l’œuvre est dédiée la représentation de la diversité ethnique. Il produit une grande quantité de bustes orientalistes. Cet attrait pour la diversité est conditionné par sa rencontre en 1847 avec Seïd Enkess, un modèle soudanais, ancien esclave, dont il réalise le portrait, juste avant l’abolition de l’esclavage en France, en 1848. Dans le cadre de la mission ethnographique que lui confie la Direction des beaux-arts, au côté du photographe Charles Marville, il se rend en Italie, en Algérie (1856), en Grèce (1858), dans les Cyclades (1866) et en Égypte (1868). Abandonné du grand public, l’artiste bénéficie d’une exposition monographique en 2004 qui revalorise son œuvre et sa personnalité, tourné vers l’intérêt qu’il portait à la diversité. En effet, il fait partie du peu de personne à cette époque à ne pas hiérarchiser les ethnies.

 

Avant que Charles Cordier ne s’intéresse à la représentation de la figure noire, rares sont les cas où ils sont représentés : on compte parmi eux le Nègre Paul de Pigalle ou l’Esclave noire d’Houdon qui sont l’illustration d’un orient fantasmé. Comme Cordier le dit dans ses mémoires « Mon genre avait l'actualité d'un sujet nouveau, la révolte contre l’esclavage, l’anthropologie à sa naissance ». Pour autant, les débats de la communauté scientifique ne l’intéressent pas : certains considèrent son ambition scientifique comme un leurre, lui permettant de s’intéresser aux modèles extra-européens : il recherche avant tout la beauté. Cordier considère lui-même ses bustes ethnographiques comme des portrait comme le laisse voir l’expressivité du regard du buste de Saïd. L’iris et la pupille sont vigoureusement incisé, jusqu’à outrance, donnant une profondeur certaine au regard.

 

A un moment où les artistes s’interrogeaient sur la manière de donner un nouveau souffle à la sculpture, Charles Cordier intervient pour revaloriser cet art par le biais du modèle, certes, mais aussi par la réintroduction de la polychromie naturelle. Cordier présente ses premiers essais de polychromie au Salon de 1853 avec les bustes Chinois et Chinoise, types mongols, qui viennent d’être acquis par le Musée d’Orsay. Ces jeux colorés sont tout à fait nouveaux pour le goût de l'époque, habitué à voir des sculptures soit en marbre soit en bronze. Au Salon orientaliste de Paris de 1857, il expose L’Homme du Soudan en costume algérien. C’est un buste en bronze et en marbre-onyx : pour lui la polychromie a pour objectif de représenter le vivant à travers le naturel du matériau souhaitant faire renaître une tradition antique tombée en désuétude. Cette polychromie lui permet de tirer la meilleure partie de la matière pour retranscrire le chatoiement des étoffes orientales. Le buste est acquis par Napoléon III pour 3 000 francs.

 

Il est important de rappeler que, pour les artistes du XIXe siècle, le choix de représenter un modèle noir constitue a priori un écart vis-à-vis des normes du beau idéal telles qu’elles sont enseignées à l’école des Beaux-arts et Cordier dans sa position remet en cause l’existence d’une beauté unique et absolue. Charles Cordier prône, à travers son art le respect de l’Autre. L'empereur le nomma chevalier de la Légion d’honneur, le 6 août 1860.  Malgré ses succès, ceux-ci finirent par s’estomper. Avec le regard respectueux que le sculpteur a toujours montré pour ses modèles, loin des dérives des thèses colonialistes d'une époque qui était davantage préoccupée à recenser un répertoire de curiosités ethniques, Charles Cordier a su rendre au modèle sa noblesse naturelle, comparable aux plus belles sculptures de l’Antiquité. Parmi ses héritiers, on peut compter Herbert Ward, agent colonial qui, touché par la dignité des populations opprimées, décide de les représenter. Il expose le buste Indigène Aruwimi en 1911 au Salon des orientaliste de Paris. Cordier, ruiné, seul et abandonné de tous, le souvenir vivace de son voyage en Algérie le conduit à y finir ses jours. Nous vous invitons à aller admirer ses œuvres au sein de l’allée centrale des sculptures au Musée d’Orsay.

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